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Quelques mots sur le Front National

Souvenons-nous des élections régionales de l’année dernière. Il faisait beau en ce mois de Mars -très beau même-, et déjà un petit coup de semonce de l’extrême-droite, notamment dans le Nord et en PACA. Ainsi, Jean-Marie Le Pen se payait même le luxe de faire chuter l’UMP dans un des fiefs sarkozystes, comme en 2004. Sur le plan national, malgré ces quelques « succès », le parti enregistrait une érosion notable de son électorat, récoltant 11.42% contre 14.40% en 2004. Au niveau comptable, la différence est plus marquée, avec 2.2 millions de voix en 2010 contre 3.5 millions en 2004.

En aparté

Par rapport à ces élections régionales de 2010, en comparaison avec 2004, on peut remarquer quelque chose qui saute aux yeux. Ces deux élections correspondent à un vote protestataire massif. Pourtant, les comportements ne sont pas les mêmes, par exemple l’abstention en 2010 est massive (plus de 50%), contrairement à 2004 (34%). On peut s’amuser à quantifier le profil de ces absentionistes :

La gauche républicaine enregistre ainsi une perte de 1 000 000 voix environ.

La droite républicaine enregistre une perte de 3 200 000 voix environ.

L’extrême droite enregistre une perte de 1 300 000 voix environ.

En pondérant ces résultats par rapport à leur base de départ en 2004, le contraste est saisissant. La Gauche ne perd que 6.66% de ses électeurs, elle en gagne même en comptant l’extrême-gauche ! La Droite républicaine souffre elle d’une véritable hémorragie, en perdant 40% de son électorat.

C’est remarquable, car malgré une abstention qui a augmenté de 45% environ entre les deux scrutins, la Gauche garde presque tous ses électeurs. C’est bien la Droite et l’extrême-droite qui a beaucoup perdu dans l’affaire. C’est donc un vote sanction pire que le vote sanction de 2004, qui visait déjà la Droite de Jacques Chirac !

Revenons aux régionales de 2010, en s’intéressant au Front National. Un résultat,  l’évolution entre les régionales de 2004 et de 2010 du vote FN dans le Nord-Pas-de-Calais :

Année Candidat 1er tour 2nd tour
2004 Carl Lang (FN) 290 908 (17,94%) 336 434 (19,73%)
2010 Marine Le Pen (FN) 224 871 (18,31%) 301 190 (22,20%)

Wikipedia.

C’est ici qu’on peut observer un effet Marine Le Pen tout à fait typique. Le premier tour, vote de conviction dans une région où l’extrême-droite est bien ancrée, ne donne pas d’évolution probante entre les deux scrutins (ce qui est déjà un exploit compte tenu du contexte national). En revanche, au second tour, le FN progresse. Bien sûr c’est ténu, mais si on met cela en présence du contexte national de baisse du FN, c’est assez remarquable.

Au final, dans ce scrutin régional, le FN a fait du yoyo, en retrouvant progressivement ses niveaux post-2002 après des élections européennes assez mauvaises pour le parti, l’année précédente. Cette année marquait donc la relative résurrection du Front National, qui allait se concrétiser un an plus tard, lors des élections cantonales.

Quoi qu’en disent les médias, la donnée qui a changé, c’est qu’une partie des électeurs de Droite est prête à voter pour FN, ce qu’elle se refusait de faire à l’époque de Jean-Marie Le Pen. Voilà donc l’effet Marine, d’ailleurs repris avec beaucoup d’originalité par le parti, où l’on parle de « vague bleu marine », une certaine touche de modernité.

Pour bien comprendre, il faut regarder tout particulièrement ce qui a changé au FN depuis quelques mois. Le Petit-Journal Yann Barthès se livre souvent à un petit jeu sadique : prendre des images de Marine Le Pen, couper le son, et mettre celui de son père à la place, pour faire mine que père et fille, c’est la même chose. Pourtant, les clivages sont assez importants. Tout d’abord sur la shoah, leur point de vue est radicalement opposé, le « détail » s’oppose directement au « summum de la barbarerie », excusez du peu ! Sur le plan du pouvoir, Marine Le Pen veut gouverner, là où son père restait dans une posture rebelle qu’il affectionnait tant. Et ce désir ce retrouve dans le programme : il a radicalement changé, fini l’étrange mix entre mesures néolibérales et mesures anti-capitalistes (ex : reprendre les aides publiques aux entreprises qui délocalisent, c’était dans le programme du FN et du NPA en 2007).

Le gros problème, et qui fait peur, c’est que le programme économique du FN est non seulement désastreux, mais en plus démagogique. Comme le commun des mortels, l’économie n’est pas mon point fort, du coup nous irons à l’essentiel.

« Le Prix Nobel américain Milton Friedman avait dès le départ prédit l’échec de l’euro, la crise qui allait se produire, et démontrait les vertus indépassables de la liberté monétaire. »

http://www.frontnational.com/pdf/projet-eco-fn.pdf

Ici on commence par du lourd. Effectivement, cet illustre économiste – aujourd’hui mort – a prévu la chute de la zone euro. Mais que de paradoxe !

Voici une copie de ces propos : http://lupus1.wordpress.com/2010/02/06/milton-friedman-limprobable-passage-a-la-monnaie-unique/

Voici quelques extraits :

Je n’ai aucun doute que M. Kohl croit sincèrement à l’opportunité de créer une monnaie unique en Europe. Mais cette aspiration ne fonde pas d’elle-même les institutions et les conditions économiques nécessaires à la réussite du projet. Or, ces conditions ne me paraissent pas réunies.

On peut avoir une unification économique sans unification politique. A condition de combiner la liberté du commerce et des mouvements de capitaux avec des changes flottants, car ceux-ci préservent l’autonomie des politiques économiques des pays concernés.

Changes flottants, c’est quoi ? Il suffit de regarder Wikipedia. Et, stupeur, on y découvre quelque chose de très intéressant :

La contestation de Maurice Allais est plus radicale encore. Dans La Crise mondiale aujourd’hui (Clément Juglar, 1999), il soutient que les changes flottants créent les conditions d’un désordre généralisé, qu’ils accroissent les risques sur chaque opération commerciale ou financière internationale, et qu’ils ne peuvent déboucher que sur une crise mondiale de type 1929. « Ce qui doit arriver arrive ! », annonce-t-il.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Changes_flottants

Tiens tiens… le Front National s’inspire de Maurice Allais et de Milton Friedman… aux thèses radicalement contradictoires ! Bref. Ce n’est pas le sujet. Revenons sur ce qu’affirme Friedman. Son propos est clair : le problème n’est pas l’Euro, mais le système. Il préconise une union politique, ou alors un système ultra-libéral, aux antipodes de ce que prône le très eurosceptique FN ! A se tordre de rire n’est ce pas ? Là encore le FN cite hâtivement un économiste, car le gogo moyen n’ira pas vérifier ! Plus généralement, Milton Friedman est considéré par le « milieu » comme le père du néolibéralisme qui est farouchement dénoncé par le FN ! On aura vu mieux comme choix de citation !

Autre moment de démagogie :

La parité fixée est la suivante : 1 euro = 1 franc avec un taux de change fixe et
ajustable (si euro monnaie commune), pour maintenir au mieux le pouvoir d’achat.
Par conséquent : le prix des biens de consommation ne changera pas pour éviter à nouveau un mouvement très inflationniste comme lors du passage du Franc à l’Euro.

Ex: la baguette d’1 € passerait à 1 Franc et non à 6,57 F (en 10 ans, perte de 40% de pouvoir d’achat ! )

http://www.frontnational.com/pdf/sortir-de-leuro.pdf

Ici il faut s’interroger à la structure même du texte, notamment ce qui est en gras. Il s’agit en fait d’un magnifique enfumage, destiné à appâter les néophytes en économie. On nous dit qu’on aurait 1€ => 1F. Là d’accord. Ils auraient pu s’arrêter là, mais bien évidement, cela ne claquerait pas assez. On mentionne alors la valeur de l’ancien franc (qui n’a rien à foutre là, puisqu’on parle d’une conversion de l’euro en une nouvelle monnaie qui n’aurait strictement rien à voir avec l’ancien franc en terme de valeur). Le gogo moyen va croire qu’en fait, la baguette coûtera 6 fois moins cher. Cette croyance est tendue comme une perche par la mention sur le pouvoir d’achat, qui aurait baissé de 40% (source ? pouvoir d’achat de quoi ? de qui ? 40% de baisse sur le pouvoir d’achat depuis l’entrée dans l’euro, c’est une blague ?). Bref, par cette petite manœuvre grotesque, on cherche à attirer les plus naïfs, hélas.

J’ai parlé de ce passage avec quelques étudiants en économie. Ils ont clairement affirmé que pour maintenir une parité 1F => 1€, il faudrait des réserves de change monstrueuses (des devises étrangères), dont la France ne dispose pas. Donc une parité 1F => 1€ serait irréalisable. Bref, le FN n’y connaît rien en économie, mais ce n’est pas une surprise !

En effet, à force de citer tout et n’importe qui, le FN a pris un sacré coup en retour, c’était cette semaine, dans Le Parisien. On y apprenait quelques éléments croustillants :

La sortie de l’euro, le Front national en fait l’un des piliers de son programme économique. Sur son site, il affirme que de « nombreux éminents économistes français rejoignent notre diagnostic sur l’agonie de l’euro ». Et de citer sept d’entre eux : Jacques Sapir, Norman Palma, Jean-Luc Greau, Christian Saint-Etienne, Philippe Simmonot, Alain Cotta et… Maurice Allais (décédé en octobre 2010).
Nous en avons contacté trois. Problème : ils sont loin de partager les vues du FN. Deux sont même contre la sortie de l’euro.

  • Christian Saint-Etienne, économiste au Conseil d’analyse économique : « La France ne peut pas sortir de l’euro. »
    Vlan.
  • Alain Cotta, professeur d’économie à HEC : « Le FN présente le problème de façon simpliste.»
    Et paf.
  • Jean-Luc Gréau, ancien économiste au Medef : « Je n’ai jamais pris position en faveur d’une sortie de l’euro.»
    HeeEEEEEeeeaaaAAAAAaaaaDDdddDDDDDDDSSSSsssHHHHHhhhhhOOOooooOOOOOoTTttTTTT.

http://www.leparisien.fr/politique/quand-le-fn-embrigade-des-economistes-contre-leur-gre-08-04-2011-1398900.php

Croustillant n’est ce pas ? Je pense que cela n’a pas besoin d’être détaillé.

Bien sûr le FN prétend qu’il existe bien d’autres personnes autour d’eux :

Il fait partie de ce vivier de spécialistes — une cinquantaine selon Marine Le Pen — qui planchent depuis peu à ses côtés sur les idées du FN. Ils viennent du monde universitaire, des institutions financières (Caisse des dépôts et consignations, Banque de France), des grandes entreprises et des ministères.

http://www.leparisien.fr/politique/adrien-haut-fonctionnaire-a-bercy-et-conseiller-de-marine-le-pen-08-04-2011-1398899.php

Mais cela prête à sourire. En effet, ce qui compte, ce n’est pas le titre, ou la confédération, mais bien les actes. C’est comme en Sciences en fait. Si on en venait à croire le premier charlatan se prétendant scientifique (et même s’il l’était réellement par le titre !), on serait alors amener à prendre pour argent comptant des théories farfelues comme la très connue « mémoire de l’eau ».

Dernier procédé démagogique, c’était celui de Marine Le Pen à propos de l’intervention en Lybie. Ainsi, elle affirmait sur tous les plateaux télé, quelque chose comme « ah mais vous savez, contrairement à ce qu’on dit, le conflit en Lybie va durer très longtemps ». Problème : personne n’a affirmé le contraire, l’Armée ayant affirmé dès le début qu’il faudrait sûrement des mois pour résoudre la situation. Bien entendu, Marine Le Pen pourra dans quelques semaines, affirmer haut et fort « vous voyez, j’avais raison », et s’attribuer ainsi une « victoire » totalement fictive, sortie de son imagination, voire de son…

Mais la critique des hommes, comme cet article d’ailleurs, se heurte à un problème : le FN affectionne la victimisation. C’est un parti qui est rodé pour.

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